Non Serviam Interview (English & French)

31 min read

Non Serviam is an extreme-anarcho-experimental-electro-industrial-black metal noise group from Paris, France. Needless to say, defining the sound of the band is tricky. From the first moments of listening to the opening track of the band’s forthcoming album “Work”, I thought two things, firstly, this is unlike anything I’ve heard before and second, I’d like to interview the band. Happily, that wish became a reality, so here we are.

The band not only answered my questions in depth, they did so in English and French, so I enlisted a friend of a friend to translate my questions and voila! what follows below is BAZ’s first dual language interview. Enjoy…

Merci d’avoir accepté de participer dans cet entretien. Tout d’abord, qu’est-ce que c’est Non Serviam et quel est le rôle de chaque élément dans le groupe?

Thanks for agreeing to be interviewed. First of all, who is Non Serviam and what does each member contribute to the band ?

Non Serviam est un groupe anonyme pour diverses raisons, mais la principale est sans doute que nous préférons que les gens s’intéressent à notre musique plutôt qu’à « ses auteurs ». Si ta question a un sens, c’est parce qu’effectivement ça ne veut pas dire qu’elle sort de nulle part, et la manière dont elle est fabriquée n’a pas rien à voir avec ce qu’elle est et devient. C’est peut-être de ça dont on peut plutôt parler là. Tout en étant très ouvert à des formes de collaborations variées impliquant d’autres musiciens, le groupe garde fondamentalement la marque de la manière dont il a commencé à exister, c’est-à-dire comme un one man band, avec une manière de composer plutôt autistique. Aujourd’hui d’autres personnes contribuent au groupe, en particulier une chanteuse-claveciniste, d’autres collaborations sont possibles et auront certainement lieu à l’avenir, mais ce qui fait la particularité de Non Serviam restera assurément cette façon de prendre des éléments très variés pour leur donner une composition et une cohérence singulière : on peut presque dire que quelque soit le nombre de musiciens qui y collaborent, ou y collaboreront, Non Serviam restera un one man band ! On peut dire que les apports musicaux divers sont toujours des suggestions qui seront ensuite exploitées ou pas, des fois même surexploitées et intégrées à un ensemble qui ne se conçoit et se finalise que dans une forme de solitude et d’isolement.

Non Serviam is an anonymous band for various reasons, but the main one is probably that we prefer people to be interested in our music rather than “its authors”. If your question makes sense, it’s because it doesn’t actually come out of nowhere, and the way it’s made has nothing to do with what it is and what it becomes. Maybe that’s what we can talk about here. While being very open to various forms of collaboration involving other musicians, the band basically keeps the mark of the way it started to exist, that is to say as a one-man band, with a rather autistic way of composing. Today other people contribute to the group, in particular a singer-harpsichordist, other collaborations are possible and will certainly take place in the future, but what makes Non Serviam special will certainly remain this way of taking very varied elements to give them a singular composition and coherence: we can almost say that whatever the number of musicians who collaborate, or will collaborate, Non Serviam will remain a one man band. One can say that the various musical contributions are always suggestions which will then be exploited or not, sometimes even overexploited and integrated into an ensemble which is conceived and finalized only in a form of solitude and isolation.

Le nom Non Serviam a son origine dans la langue Latine, mais, vous utilisez le Français et l’Anglais, les deux, pour les titres des chansons et des références. C’est important d’utiliser des langues différentes en ce qui concèrne l’esprit du groupe ? Et, à quel point le text est-il indispensable pour apprécier la musique?

The name Non Servium comes from Latin, while you use both French and English for song titles and samples. How significant is the use of different languages to the spirit of the band and how important is the text to an appreciation of the music?

Utiliser différentes langues n’est pas un choix particulièrement conscient, mais plutôt le produit de spontanéités diverses. Les participants au groupe sont de langue française de fait (et bien malgré eux!), certaines chansons sont donc spontanément écrites en français. Ils ont été nourris de musiques anglo-saxonnes, d’autres sont en anglais, voire mêlent les deux. Si on reprend une chanson traditionnelle anarchiste italienne du début du XXème siècle, comme Inno Individualista, le morceau est en italien. Bien sûr, les langues ont aussi un aspect musical et une histoire en rapport avec la musique, un pouvoir évocateur spécifique qui va nous conduire à utiliser plutôt telle ou telle langue dans tel ou tel contexte. Mais peut-être qu’on aurait dû commencer par prévenir qu’on est fondamentalement anti nationalistes et anti-patriotes ! On n’est certainement pas porteurs d’un « héritage français », encore moins latin, même si c’est effectivement la langue du nom du groupe. « Non Serviam », « je ne servirai pas », c’est ce que Lucifer adresse à Dieu et ce qui le fera chasser du royaume céleste. Nous qui sommes athées et matérialistes, c’est ce refus de se soumettre à Dieu, à ses pompes et à ses œuvres qui nous intéresse, au même titre que d’autres révoltes radicales légendaires, comme celle de Prométhée.

Pour ce qui est des textes, ils sont très importants pour le groupe, qui y accorde une grande attention. Mais ni plus ni moins qu’à la musique, c’est pourquoi les lignes chantées sont traitées comme les lignes instrumentales et s’y mêlent, sans que le chant soit particulièrement « mis en avant » par rapport à une instrumentation qui deviendrait un simple accompagnement. C’est notre manière de prendre au sérieux tous les éléments qui s’associent pour composer un morceau, sans les hiérarchiser. Du coup, le texte peut parfois ne pas être immédiatement discernable à une première écoute puisque rien n’est fait pour qu’il le soit plus que le reste. Ecouter les chansons du groupe avec les paroles sous les yeux peut être intéressant si on veut en saisir les détails. C’est la raison pour laquelle nous tenons à ce qu’elles soient le plus possibles disponibles avec la musique. Ceci dit, la manière d’écouter dépend de chacun, et même si les textes ont eu un rôle primordial dans la composition, quelqu’un qui ne les comprendrait pas parce qu’il ne parle pas la langue par exemple pourrait en saisir autre chose. Le sens des mots n’est vraiment pas une clef indispensable pour entrer dans l’écoute de Non Serviam, d’autres portes sont grandes ouvertes !

Using different languages is not a particularly conscious choice, but rather the product of various spontaneities. The participants in the group are de facto French-speaking (well, in spite of themselves!), so some songs are spontaneously written in French. They have been nourished by Anglo-Saxon music, so others are in English, or even a mixture of both. If we cover a traditional Italian anarchist song from the beginning of the 20th century, such as Inno Individualista, the song is in Italian. Of course, languages also have a musical aspect and a history related to music, a specific evocative power that will lead us to use rather this or that language in this or that context. But maybe we should have started by warning that we are fundamentally anti-nationalist and anti-patriotic! We are certainly not bearers of a “French heritage”, much less Latin, even if it is indeed the language of the band’s name. “Non Serviam”, “I will not serve”, is what Lucifer addresses to God and what will make him drive out of the heavenly kingdom. As atheists and materialists, it is this refusal to submit to God, to his pomposity and his works that interests us, just as much as other legendary radical revolts, such as that of Prometheus.

As far as the lyrics are concerned, they are very important for the band, which pays great attention to them. But neither more nor less than the music, that’s why the sung lines are treated like the instrumental lines and blend in with them, without the singing being particularly “emphasized” in relation to an instrumentation that would become a simple accompaniment. This is our way of taking seriously all the elements that come together to compose a piece, without ranking them. As a result, the text may sometimes not be immediately discernible at first listening since nothing is done to make it more so than the rest. Listening to Non Serviam’s songs with the lyrics in front of you can be interesting if you want to understand the details. This is why we want them to be as available as possible with the music. That said, the way of listening depends on each person, and even if the lyrics have had an important role in the composition, someone who doesn’t understand them because he doesn’t speak the language for example, could grasp something else. The meaning of the words is really not an indispensable key to enter into the listening of Non Serviam, other doors are wide open!

Non Serviam a deux albums, « Le Coeur Bat » et « Work », qui seront presentés au publique entre la fin d’avril et le debut de mai, au crours d’une semaine. Si vous aviez un contrat avec Warner Bros, peut-être que vous seriez des victimes de SSPT, comme Prince. Pourquois avez-vous choisi, alors, présenter deuz albums tout d’un coup ?

Non Serviam has two albums, “Le Cœur Bat” and “Work”, due to be released in the space of one week between the end of April and the start of May. If you were signed to Warner Bros they’d probably be having Prince related PTSD. What made you decide to release two albums so close together?

Ce calendrier ne répond pas du tout à un plan pré-établi. Des hasards et des raisons diverses ont conduit à cette situation un peu particulière. Non Serviam est un groupe très productif qui a très envie depuis toujours de trouver les moyens de faire entendre sa musique. On travaille toujours sur plusieurs chansons et plusieurs projets à la fois, certains restent en germe longtemps, d’autres seront abandonnés pour un temps, puis repris ou se transformeront en fonction des possibilités et de l’évolution du groupe. L’album qui a été finalisé le plus tôt, Le Cœur Bat, nous tenait vraiment à cœur (si on peut dire…), et nous avons cherché à ce qu’il sorte dans les meilleures conditions possibles, nous avons donc attendu de trouver une proposition qui nous convienne. Tout était prêt pour qu’il sorte dans le courant de l’été dernier, mais la pandémie de Covid et les difficultés qu’elle impose aux labels n’a cessé depuis de retarder la sortie, qui est désormais définitivement fixée en avril prochain chez Code666 en 2xLP et CD et en cassette chez Trepanation Recordings. Entre temps, un EP thématique très électro, « Work » avait vu le jour, et la finalisation de sa sortie a été beaucoup plus rapide, aussi parce que c’est une sortie plus légère. Par ailleurs une sortie sur cassettes de deux longues impros était prévue, mais le label de Chicago qui s’était proposé pour le faire n’a pas survécu à la pandémie. Trepanation Recordings a proposé une sortie CD combinée avec Work. Les deux sorties se sont donc par hasard retrouvées à coïncider et nous avons choisi la date symbolique du 1er Mai pour sa sortie en 2xCD. Mais vu la manière de composer de Non Serviam et le nombre de projets qui sont tout le temps à des stades divers de finition, ce genre de hasard risque bien de se reproduire!

This schedule does not respond at all to a pre-established plan. Chances and various reasons have led to this rather peculiar situation. Non Serviam is a very productive band that has always wanted to find ways to get its music heard. We are always working on several songs and several projects at the same time, some of them stay in germ for a long time, others will be abandoned for a while, then taken up again or transformed according to the possibilities and the evolution of the band. The album that was finalized the earliest, Le Coeur Bat, was really close to our hearts (if we can say so…), and we tried to release it in the best possible conditions, so we waited to find a proposal that would suit us. Everything was ready for it to be released during last summer, but the Covid pandemic and the difficulties it imposes on labels has since then kept delaying the release, which is now definitively set for next April with Code666 in 2xLP and CD and on cassette with Trepanation Recordings. In the meantime, a very electronic thematic EP, “Work” had been born, and the finalization of its release was much faster, also because it is a lighter release. In addition, a cassette release of two long improvs was planned, but the Chicago-based label that volunteered to do so did not survive the pandemic. Trepanation Recordings proposed a CD release combined with Work. The two releases coincided by chance and we chose the symbolic date of May 1st for its 2xCD release. But given the way Non Serviam composes and the number of projects that are always in various stages of completion, this kind of chance is likely to happen again!

C’est pas évident, mais si j’essayais de décrire la musique de votre groupe, je dirais qu’elle évoque les premiers styles industriels de Throbbing Gristle, avec le « bruit » experimental de The Butthole Surfers mélangé avec la batterie et la basse et, encore, un brin de metal. Comment décrivez-vous le son du groupe et quelles sont votre références musicales ?  

It’s no easy task, but if I had to try to describe the band’s sound I might say it’s something like the early industrial stylings of Throbbing Gristle, with the experimental noise of The Butthole Surfers, blended with drum n’ bass and a little metal somewhere in there. How would you describe the band’s sound and what are your musical reference points?

Quasiment tout le monde a une définition différente de notre musique. Pour notre part, plus le temps passe, moins on ressent le besoin de la définir. Au départ, parce qu’il faut bien donner une idée à ceux qui pourraient s’y intéresser, on a préféré proposer une accumulation hétéroclite de références de genres, qui sont à notre avis présents sous une forme où une autre dans notre musique. Ces influences stylistiques diverses viennent des musiques qui ont nourri les différents membres du groupe, et des pratiques musicales qu’ils ont jusque là poursuivi. On peut observer ce que tout ça donne dans la musique, mais on ne cherche pas à s’affilier à telle ou telle scène musicale en s’inscrivant dans les limites d’un genre particulier : « Ni Dieu, ni maîtres ! », en musique non plus, nous n’avons pas de « maîtres à penser ». Bien sûr, si on veut rentrer dans le détail, certains groupes et certains genres nous ont plus particulièrement influencé. La carrière de Neurosis, au niveau du son a eu une forte influence sur notre parcours. On s’est toujours passionné pour le mélange de l’extrémité électronique et de l’extrémité métallique, de Godfleh à Agoraphobic Nosebleed. Pour ce qui est de l’aspect plus électro de certains morceaux et des méthodes de composition, on peut citer des musiciens comme Autechre, Venetian Snares et Aphex Twin qui ont grandement participé à rendre possible une partie de nos bidouillages. Comme tous les gens qui écoutent du Black Metal, on aime particulièrement les débuts du genre, principalement Darkthrone. Si on devait chercher dans le Black Metal plus récent, on peut dire que le retour en force actuel du Raw Black Metal nous réjouit pas mal. C’est cette sauvagerie qu’on va chercher dans le Black Metal, plutôt que les aspects plus symphoniques, qu’on va plutôt puiser pour notre part dans la musique baroque ou classique. Dans notre culture musicale il y a aussi une forte importance du Grindcore, et des groupes comme Nasum, Pig Destroyer, Enemy Soil contiennent des formes d’intensité qui nous fascinent. Mais on est aussi des obsédés de la lenteur, du Sludge, du Doom, et on peut aussi citer Khanate, Cough, Noothgruh et bien d’autres. Au-delà des musiques extrêmes, on est aussi très amateurs de Cat power, PJ Harvey ou encore Joy Division. Si on revient à ta proposition de définition, c’est beaucoup d’honneur de nous comparer à Throbbing Gristle… On aime bien ta description et on est toujours intéressé de voir comment ceux qui s’y essayent ont des manières différentes de définir notre musique. C’est drôle, parfois on peut même se demander si ils ont écouté la même chose.

Almost everyone has a different definition of our music. For our part, the more time passes, the less we feel the need to define it. At the beginning, because it is necessary to give an idea to those who might be interested, we preferred to propose a heterogeneous accumulation of references of genres, which are in our opinion present in one form or another in our music. These diverse stylistic influences come from the music that has nourished the different members of the group, and from the musical practices they have pursued until now. We can observe what all this gives in the music, but we do not try to affiliate ourselves to this or that musical scene within the limits of a particular genre: “Neither God nor masters! “Neither in music do we have any gurus. Of course, if we want to go into detail, certain bands and certain genres have influenced us more particularly. The career of Neurosis, in terms of sound, has had a strong influence on our path. We’ve always been passionate about mixing the electronic end with the metal end, from Godflesh to Agoraphobic Nosebleed. As for the more electro aspect of some tracks and the composition methods, we can mention musicians such as Autechre, Venetian Snares and Aphex Twin who have greatly contributed to make possible some of our tinkering. Like all people who listen to Black Metal, we particularly like the beginnings of the genre, mainly Darkthrone. If we had to look in the more recent Black Metal, we can say that the current return in force of Raw Black Metal rejoices us quite a lot. It’s this savagery that we’re going to look for in Black Metal, rather than the more symphonic aspects, which we’re going to draw from baroque or classical music. In our musical culture there is also a strong importance of Grindcore, and bands like Nasum, Pig Destroyer, Enemy Soil contain forms of intensity that fascinate us. But we are also obsessed with slowness, Sludge, Doom, and we can also mention Khanate, Cough, Noothgrush and many others. Beyond extreme music, we are also very fond of Cat power, PJ Harvey or Joy Division. If we come back to your definition proposal, it’s a great honor to compare us to Throbbing Gristle… We like your description and we are always interested to see how those who try have different ways to define our music. It’s funny, sometimes you can even wonder if they listened to the same thing.

En ayant des références métalliques dans votre musique, je les éntends, surtout, dans « le Coeur Bat » et « Work » ( les paroles et la musique ), où on trouve une fascination par la mort et la vie qui s’enfuie. A-t-il un thème pour l’album?

If there are metal reference points to the band’s music I hear them much more on “Le Cœur Bat” than “Work” (both in terms of words and music), which seems to contain a fascination with death and mortality. Is there a theme to the album?

Tu as raison, « Work » est beaucoup moins ancré dans des références morbides que Le Cœur Bat. On y entend bien plus que la facture des chansons est electronique, parce que d’autres éléments le sont aussi, contrairement à Le Cœur Bat qui est beaucoup moins homogène en termes stylistiques. Ça fait partie de ce qui donne une cohérence forte à l’EP, mis à part peut-être la chanson Ô World Ô Work et Se Rapprocher de l’Emploi, dans lesquelles contrairement aux autres, le chant et les cris ont une très grande place. L’EP est aussi traversé par une pulsation omniprésente et monotone à la fois en terme rythmique et mélodique, un son très machinique, qui peut évoquer l’inéluctabilité de la manière dont le travail dévore le temps en le rythmant et en rendant chaque jour identique à la veille. Effectivement, cet EP est construit autour d’un thème très explicite : le travail, qu’on retrouve en particulier dans les samples longs qui sont utilisés parmi les lignes musicales mais parfois aussi presque seuls, la musique ou la rythmique ne faisant que les soutenir ou les accompagner. Ces samples proviennent pour beaucoup de films documentaires dans lesquels des gens qui travaillent disent ce que le travail fait à leur corps et à leur vie. Le choix de l’électro permet de construire une espèce de machinerie musicale adéquate pour dire en musique ce mélange de corps et de machines qui constitue le travail dans le capitalisme. Pourtant, par rapport à l’opposition que tu souligne par rapport à Le Cœur Bat, d’une certaine manière la mort est toujours présente parce que c’est bien au fond quelque chose comme ça que le travail fait à la vie. Mais c’est certain qu’elle est présente de manière beaucoup moins frontale et explicite, moins poétique que dans Le Cœur Bat. C’est clair que cet EP est une contribution à la critique du travail et du travaillisme qui ne peut se mener véritablement que par des interventions beaucoup plus directes. Cette musique serait peut-être une bande son possible ou rêvée de ces interventions…

You’re right, “Work” is much less anchored in morbid references than Le Cœur Bat. We hear much more that the songwriting is electronic, because other elements are also, contrary to Le Coeur Bat which is much less homogeneous in stylistic terms. That’s part of what gives a strong coherence to the EP, except perhaps for the song Ô World Ô Work and Se Rapprocher de l’Emploi, in which, unlike the others, singing and screaming have a very large place. The EP is also crossed by an omnipresent and monotonous pulsation both in rhythmic and melodic terms, a very machinic sound, which can evoke the inevitability of the way work devours time by rhythmizing it and making each day identical to the day before. Indeed, this EP is built around a very explicit theme: work. We find it especially in the long samples which are used among the musical lines but sometimes almost alone, the music or the rhythmics just supporting or accompanying them. Many of these samples come from documentary films in which working people tell what work is doing to their bodies and their lives. The choice of electronic music makes it possible to build a kind of musical machinery that is adequate to say in music this mixture of bodies and machines that constitutes work and capitalism. However, in relation to the opposition that you point out to Le Cœur Bat, in a way death is always present because it is really something like this that work does to life. But it is certainly present in a much less frontal and explicit way, less poetic than in Le Cœur Bat. It is clear that this EP is a contribution to the critique of work and laborism that can only be truly carried out through much more direct interventions. This music would perhaps be a possible or dreamed of soundtrack to these interventions…

Dans vos commentaires pour la présentation de 2020 « Quelques notes sur le monde ( dédié à Marius Mason, le 11 juin, en solidarité ) » vous faîtes ´référence au côté noir de la societé modèrne et l’anarchisme par opposition à la tradition. Qu’est-ce que c’est l’anarchisme pour vous et comment fait-il partie de votre musique?

In the comments for your 2020 release “A few notes on this world (for Marius Mason, june 11th, in solidarity)” you refer to the penal aspect of modern society and anarchism as an opponent to the establishment. What is anarchism to you and how does that understanding feed into your music?

L’anarchisme peut-être beaucoup de choses, pour le meilleur et pour le pire. Pour nous, il s’agit d’un projet révolutionnaire qui a une histoire, de possibles enseignements, mais en tous les cas ce n’est ni une sorte de musique, ni une culture, ni une contre-culture, ni une scène. C’est un ensemble d’idées et de pratiques avec de nombreuses tendances plus ou moins compatibles les unes avec les autres. On s’inscrit dans une histoire de luttes et de révoltes à laquelle ceux qui participent à cette musique ont donné leur vie et qui n’a pas en elle-même grand chose à voir avec la musique, même si cette histoire a pu être traversée de musique et traverse notre musique. C’est encore moins d’ailleurs pour nous un choix de consommation, une posture sur les réseaux sociaux, ou un tampon qu’on ajoute pour donner un vernis politique aux albums avec un symbole qui fait joli sur des patchs. D’ailleurs, comme le reste, l’anarchisme traverse notre musique, non pas par un choix conscient, ou parce qu’on penserait que l’anarchisme a besoin de musique, mais tout simplement parce que cette musique est faite de ce que nous sommes. C’est pour ça que quand on nous a proposé de participer à la compilation pour Marius Mason, nous n’avons pas hésité une seconde, sans pour autant considérer que la musique en elle-même soit une forme d’intervention politique pertinente ou suffisante. A travers l’évocation de l’incarcération actuelle de Marius Mason, et de tous les compagnons actuellement en taule aux États-Unis, auxquels on a bien sûr pensé en faisant ce morceau, la question carcérale est très importante si on veut comprendre le monde qui se construit sous nos yeux, et si on veut trouver le moyen de le combattre. La menace de la prison, sa réalité pour tous ceux qui s’y retrouvent enfermés sont omniprésentes pour qui refuse en acte l’état des choses. La question carcérale, c’est aussi la carcéralisation des lieux et des modes de gestion des populations, même en dehors des murs des prisons. Les hôpitaux, les écoles, les maisons de retraites, évidemment les camps où on enferme les migrants, tous ces lieux montrent bien à quel point la gestion capitaliste passe par la possibilité de l’enfermement de certaines catégories de populations, et la société elle-même, se retrouve à des degrés et sous des formes diverses d’autant plus carcéralisée en période de gestion épidémique. C’est évidemment tout ça que nous avons en tête et dans nos cœurs quand nous composons une chanson pour Marius Mason, et quand on fait de la musique en général d’ailleurs.

Anarchism can be many things, for better or for worse. For us, it is a revolutionary project that has a history, possible teachings, but in any case it is neither a kind of music, nor a culture, nor a counter-culture, nor a scene. It is a body of ideas and practices with many tendencies that are more or less compatible with each other. We are part of a history of struggles and revolts to which those who participate in this music have given their lives and which in itself has little to do with music, even though this history may have been traversed by music and runs through our music. It is even less for us a consumer choice, a posture on social networks, or a stamp that we add to give a political varnish to albums with a symbol that looks nice on patches. Besides, like everything else, anarchism runs through our music, not because of a conscious choice, or because we would think that anarchism needs music, but simply because this music is made of who we are. That’s why, when we were asked to participate in the compilation for Marius Mason, we didn’t hesitate for a second, without considering that music itself is a relevant or sufficient form of political intervention. Through the evocation of the current incarceration of Marius Mason, and of all the comrades currently in jail in the United States, to whom of course we thought while making this piece, the prison question is very important if we want to understand the world that is being built before our eyes, and if we want to find a way to fight it. The threat of prison, its reality for all those who find themselves locked up in it, is omnipresent for those who refuse to accept the state of things. The prison question is also the prisonization of places and methods of population management, even outside the walls of prisons. Hospitals, schools, retirement homes, and, of course, the camps where migrants are locked up, all these places clearly show the extent to which capitalist management involves the possibility of locking up certain categories of populations, and society itself is found to varying degrees and in various forms, all the more so in periods of epidemic management. This is obviously all that we have in our minds and in our hearts when we compose a song for Marius Mason, and when we make music in general, for that matter.

Dans « Work », est-ce que des titres comme « Giving Birth To the Antichrist of Labour » et « I’ll Never Go Back To The Plant » font référence au capitalisme et au gaspillage de la societé ? Quel est le message de cet album ?

On “Work” titles like “Giving Birth To The Antichrist of Labour” and “I’ll Never Go Back To The Plant” suggest a possible commentary on capitalism and consumerism? What is the message of the album?

Effectivement, ces titres clarifient s’il en était besoin qu’il s’agit de refuser et de critiquer le travail, son idéologie et le monde qui va avec. En partant de ce que fait le travail aux corps et aux vies, c’est le travail et la misère dans laquelle il nous enserre qu’on veut attaquer. « I’ll Never Go Back to The Plant » avec son sample extrait de l’excellent film Blue Collar rappelle à quel point si le travail est omniprésent comme réalité ou comme menace dans nos vies, son refus parcourt de manière tout aussi tenace l’histoire des révoltes collectives et individuelles.

Indeed, these titles make it clear, if there was any need to do so, that it is a question of refusing and criticizing work, its ideology and the world that goes with it. Starting from what work does to bodies and lives, it is work and the misery in which it encloses us that we want to attack. “I’ll Never Go Back to The Plant”, with its sample taken from the excellent film Blue Collar, reminds us how omnipresent work is as a reality or as a threat in our lives, its refusal is just as tenacious in the history of collective and individual revolts.

Á la fin de « Soleil de Tempête » ( dernier morceau dans « Work » ) on trouve un clin d’oeil à David Cronenberg et son « Vieodrome ». Y-a-t-il un intêrêt particulier conceptuel pour sa térrible anatomie humaine téchnologique en ce qui concèrne le groupe?

At the end of “Soleil de Tempête” (the final track on “Work”) you sample David Cronenberg’s “Videodrome”. Is the technological body horror of Cronenberg a particular conceptual interest for the band?


Effectivement cette référence est le produit d’un intérêt pour Cronenberg, et on ne l’a pas samplé par hasard. Cet intérêt vaut en l’occurrence pour les mots qui sont dits mais aussi pour les images qui leur sont associées. C’est un des réalisateurs les plus subversifs du cinéma, moralement, politiquement, sur les questions qui touchent à la sexualité et au désir, mais aussi plus globalement sur la question de la déviance sociale. Le rapport qu’a développé Cronenberg avec la question de la technologie, qui est loin d’être binaire, dans un sens ou dans l’autre d’ailleurs, comme certains voudraient le réduire, est profond et organique, et profondément subversif dans un monde ou de fait la technologie est présente dans tous les moments de la vie, dans les corps, dans les relations. Il travaille la question de ce que la technologie fait à la vie, aux désirs, aux imaginaires. Comme Work est un EP sur le travail, il faut comprendre que le travail n’est plus critiquable en faisant abstraction de la question de la technologie. On rejoint Cronenberg dans le fait de considérer sérieusement que les technologies sont loin d’être neutres ou anodines, et de vouloir rendre compte de manière conséquente de ce que ça implique. Au delà de ce qu’il nous a inspiré, Vidéodrome est un film qu’on conseille vivement de regarder à ceux qui ne l’ont pas vu.

Indeed this reference is the product of an interest in Cronenberg, and it was not sampled by chance. This interest applies in this case to the words that are said but also to the images associated with them. He is one of the most subversive filmmakers in cinema, morally, politically, on issues of sexuality and desire, but also more globally on the issue of social deviance. Cronenberg’s relationship with the question of technology, which is far from being binary, in one way or another, as some would like to reduce it, is deep and organic, and deeply subversive in a world where technology is present in all moments of life, in bodies, in relationships. He works on the question of what technology does to life, to desires, to imaginations. As Work is an EP about work, it is necessary to understand that work is no longer criticizable while disregarding the question of technology. One agrees with Cronenberg in seriously considering that technologies are far from being neutral or anodyne, and in wanting to give a consistent account of what this implies. Beyond what he inspired us, Videodrome is a film that we strongly advise to watch for those who have not seen it.

Vous avez déjà présenté une sorte d’improvisation, en enrigistrement, l’année dernière, « Improvisation 2, Take 1. : Un Rêve ( Il était nuit ) @ CVLT Nation Live » et, encore, « Live Improvisations – Vol.1 » à presenter en mai prochain. C’est important, l’aspect improvisation pour le groupe ?

You’ve already released one improvisational recording, last year’s “Improvisation 3. Take 1. : Un Rêve (Il était nuit) @ CVLT Nation Live” with another “Live Improvisations – Vol.1” due for release this May. How important is improvisation in general for the band?


L’improvisation est un autre aspect de notre travail musical, et on l’affectionne particulièrement parce qu’elle permet d’autres types d’expérimentation, et aussi parce qu’elle se déroule dans un temps qui construit, quand ça fonctionne, une espèce de magie fragile du moment qu’on espère restituable en partie dans l’enregistrement. L’instrumentation est forcément beaucoup plus simple que dans les morceaux composés, le plus souvent un clavier acoustique ou électrique, une guitare et un looper et éventuellement des voix, ce qui donne au final quelque chose de vraiment différent, avec peut-être une approche plus mélancolique et psychédélique. Mais il reste beaucoup d’éléments communs, comme le travail sur la distorsion de la guitare qui prend une grande place dans les improvisations, et quelque chose du foisonnement des morceaux plus composés est aussi présent grâce au looper et à la manière de varier et de développer à partir du riff de départ. En tous les cas on compte bien poursuivre ce travail d’impro, enregistrées ou pas, et on peut dire que ça nous semble passionnant et nécessaire.

Improvisation is another aspect of our musical work, and we are particularly fond of it because it allows for other types of experimentation, and also because it takes place in a time that builds, when it works, a kind of fragile magic that we hope to reproduce in part in the recording. The instrumentation is inevitably much simpler than in the composed pieces, most often an acoustic or electric keyboard, a guitar and a looper and possibly voices, which gives in the end something really different, with perhaps a more melancholic and psychedelic approach. But there are still a lot of common elements, such as the work on the guitar distortion which takes a big place in the improvisations, and something of the abundance of the more composed pieces is also present thanks to the looper and the way to vary and develop from the starting riff. In any case, we intend to continue this improvisation work, recorded or not, and we can say that it is exciting and necessary to us.

À votre avis, faites vous partie de la scène musicale parisienne ? Quels sont, dans ce cas, vos contemporains ?

Do you feel part of a scene in Paris and who do you consider your contemporaries ?

Non. Pour le moment la France est l’endroit du monde d’où est venu le moins de signe d’intérêt pour notre musique !

Peut-être que d’une certaine manière, le côté anti fasciste du metal n’a pas encore sérieusement pénétré la France. Par exemple, alors qu’on a eu plein de bonnes chroniques partout, en général intéressantes à plein de niveaux, y compris celles qui étaient un peu plus critiques sur certains aspects, on en a eu seulement quelques unes en France, la plupart mauvaises, et la plupart aussi clairement écrites sans accorder le moindre intérêt même critique à l’écoute de la musique. Sans vouloir leur faire de la pub, on a en a même eu une ordurière sur un fanzine de merde appelé Thrashocore, avec une espèce de hargne et de volonté de nuire à notre musique qui nous a vraiment posé question (question à laquelle nous souhaitons répondre au plus vite). Un petit problème avec l’antifascisme dans le metal, peut-être ? Il y a peut-être quelque chose à comprendre autour de notre caractère très peu enraciné comme franco-français finalement, pas assez de « beauferie ». Au delà de cette histoire anecdotique et vraiment pas très intéressante, on a aussi le sentiment que c’est difficile pour les musiques réellement extrêmes (je ne parle pas de Gojira) de trouver leur public en France, et nous ne sommes pas le premier groupe français à rencontrer plus de succès à l’étranger. C’est certainement comme partout, mais les choses passent aussi beaucoup par du copinage, ce à quoi on a choisi de ne pas participer par notre anonymat.

Perhaps in some ways the anti-fascist side of metal has not yet seriously penetrated France. For example, while we’ve had a lot of good reviews everywhere, generally interesting on many levels, including those that were a little more critical on some aspects, we’ve had only a few in France, most of them bad, and most of them written so clearly without giving even the slightest critical interest to listening to the music. Without wanting to advertise them, we even had one on a shitty fanzine called Thrashocore, with a kind of anger and willingness to harm our music that really asked us a question (a question we want to answer as soon as possible). A little problem with antifascism in metal, maybe? Maybe there’s something to be understood around our very little rooted character as Franco-French in the end, not enough “redneckness”. Beyond this anecdotal and really not very interesting story, we also have the feeling that it’s difficult for really extreme music (I’m not talking about Gojira) to find their audience in France, and we’re not the first French band to meet more success abroad. It’s certainly like everywhere else, but things also go through a lot of cronyism, which we chose not to participate in because of our anonymity.

Finalement, aimeriez-vous commenter quelque chose de plus ? Ou présenter quelque chose de plus ?

Finally, is there anything else you’d like to say or promote?


Il y a un groupe dont on trouve que la musique est sous estimée, c’est Duma, peut-être parce que le metal kényan ne rentre pas dans les schémas de pensée actuels, y compris de ceux qui se pensent très anti-racistes sans pour autant être capable de sortir des préjugés essentialistes. Pourtant, ces dernières années, dans des pays comme l’Iran, la Chine, l’Arménie, la Syrie, Israël, pays qui ne viennent pas en premier à l’esprit quand on pense au metal, apparaissent des groupes assez passionnants et très singuliers. Il ne s’agit pas bien sûr d’appeler à une espèce d’exotisme paternaliste, mais plutôt de proposer d’ouvrir un peu les yeux et les oreilles sur des groupes qui n’ont pas forcément de scènes locales instituées pour commencer à se faire connaître et qui mériteraient pourtant d’être écoutés plus largement. Parfois on essaye d’en mettre quelques uns en valeur sur notre compte twitter.

Merci à toi et à Blessed Altar Zine de nous avoir proposé cette interview.

There is one band whose music is underestimated or unknown, it’s Duma, perhaps because Kenyan metal doesn’t fit into current thinking patterns, including those who think they are very anti-racist without being able to get out of essentialist prejudices. However, in recent years, in countries such as Iran, China, Armenia, Syria, Israel, countries that do not come to mind first when thinking about metal, there have been some quite exciting and very singular bands appearing in recent years. It is not of course a question of calling for a kind of paternalistic exoticism, but rather of proposing to open our eyes and ears a little to bands that do not necessarily have local scenes established to begin to make themselves known and that would nevertheless deserve to be listened to more widely. Sometimes we try to highlight some of them on our twitter account.

Thanks to you and to Blessed Altar Zine for having proposed this interview.

Interview by Tom Boatman

Questions translated to French by Maria Clara Maia

Thanks again to Non Serviam for taking the time to answer my questions. Follow the band on their social media below to stay up to date with everything they’ve got going on. “Le Cœur Bat” will be released on April 23rd, “Work” and “Live Improvisations – Vol​.​1” will follow on May 1st.

Band Website
Bandcamp
Facebook
Instagram
Twitter
YouTube

**Please support the underground! It’s vital to the future of our genre.
#WeAreBlessedAltarZine
#TheZineSupportingTheUnderground

(Visited 457 times, 1 visits today)